May 27, 2024
La semaine dernière à Paris, c’était la grand-messe de Publicis,
Vivatech. N’étant pas fan de ces grands rassemblements où l’on
s’autocongratule entre soi, j’ai pris l’avion pour le Sud. Après
avoir traversé la méditerranée, puis le désert du Sahara, j’ai
atterri à Lomé, au Togo, où se réunissaient les directeurs
financiers et de contrôle de gestion de l’Afrique de
l’Ouest.
Accueillis dans les locaux de la BOAD, les participants ont bien
entendu parlé d’intelligence artificielle, de données, et de
comment la fonction finance en entreprise allait être impactée par
ces évolutions technologiques.
Avaient fait le déplacement les présidents français de la DFCG,
l’association des directeurs financiers, et de l’AFDCC, celle des
crédit managers. Les ponts entre les financiers français et leurs
pairs d’Afrique de l’Ouest sont actifs, et devraient l’être encore
plus dans les années à venir.
Alors bien sûr, on a parlé de magie, de ces outils miraculeux que
l’on nous promet, et de la révolution sur l’emploi qu’ils vont
provoquer. Mais avec réalisme on a surtout évoqué ce qui manque à
beaucoup d’entreprises africaines pour exploiter cette intelligence
artificielle : des données.
Dans des pays où la part de l’économie informelle est importante,
collecter et conserver des données semble parfois vain.
J’ai eu un échange passionnant avec le directeur financier d’un
groupe de distribution. Certes, il adorerait pouvoir analyser qui
achète quoi, quand, avec quoi… mais ce ne sont pas les modèles
d’apprentissage qui lui font défaut, ce sont les données. Pas de
remontée des lignes de tickets de caisse ; pas de carte de fidélité
permettant d’identifier les clients. Il manque le basique.
Difficile d’aller parler d’intelligence artificielle générative
quand manquent la culture nécessaire à la collecte, à la
valorisation et à la gouvernance de ces données.
Il serait facile de pointer du doigt le retard technologique de ces
pays africains. Mais c’est également la réalité de beaucoup
d’entreprises françaises. En ce moment même, je travaille avec un
industriel dans le domaine de la papeterie : il envisage
prochainement la mise en place, enfin, d’une gestion des données de
référence ; un service social tente de mettre en place une
gouvernance, et se heurte à l’absence d’architecture d’entreprise
et d’ontologie des termes utilisés en interne ; et une grosse PME
dans l’agro-alimentaire change enfin d’ERP et envisage son premier
reporting dans un outil autre que Excel.
Alors que retenir de tout cela ? Il faut bien sur des visionnaires,
des rêveurs, des innovateurs et il faut un Vivatech. Mais
concrètement beaucoup d’entreprises n’en sont pas là ! Elles en
sont même loin. Leur faire croire qu’elles pourront bénéficier en
un claquement de doigt de ces technologies magiques, ce n’est pas
leur rendre service.
Oui, c’est moins drôle, moins « chevere » comme dit ma fille de 17
ans, mais mettre en place une culture de la donnée, des bonnes
pratiques de gouvernance, et une architecture adaptée pour
collecter, conserver et par la suite analyser cette donnée, est la
priorité ! Ne me parlez pas de ChatGPT tant que vous n’avez pas ces
fondations. Sinon, c’est comme si vous commandiez une Ferrari,
alors que vous n’avez même pas passé le permis.